lundi 26 mars 2007

L'univers latin à Québec.




Il y a bien des choses avec lesquelles les québécois s’accommodent, ma foi fort raisonnablement. Parmi elles, le plaisir des sempiternellement trop courtes, mais définitivement langoureuses nuits latines. A ce propos Le Boudoir s’avère un lieu de pérégrination qu’il serait inenvisageable de ne pas fréquenter.

Le samedi y est jour de fête. Décidément, et malgré tout ce que l’on a pu me dire auparavant au sujet du Québec : ici il n’y a de froid que les hivernales couvertures laiteuses qui jonchent les sols, et tapissent les cieux. Pour tout ce qui reste la chaleur est de mise. Samedi soir donc, munissez vous, mes dames de vos plus beaux joujoux- en somme parez-vous du mieux que possible car la concurrence y sera rude et passer incognito serait pas mal regretté par la suite, simple conseil d’ami. Je n’ai pas oublié ces messieurs bien sûr, indispensable au bon déroulement des festivités… sachez danser «elles» critiques en crisse- cela ne vous dédouane pas complètement, soyez vêtus chics, tout de même.

Trèves de babillage, le lieu est surtout un espace socialement très intéressant, permettant de découvrir les diverses facettes que recèlent ces contrées au combien surprenantes.
L’univers latin à Québec ne devrait pas se limiter à une vision de type «maudits immigrants», comme j’ai pu à de rares fois l’entendre- une pour être honnête. Le Boudoir c’est le Québec. J’entends par là que la place, à l’image de la ville regorge de nationalité. Dans ce brassage ethnique, se mêlent beaucoup d’hispanophones, surtout provenant d’Amérique du sud, un grand nombres de québécois et enfin quelques africains. Même si elles se réservent quelques petites gènes en début de soirée, ces divers communautés se dévergondent bien assez tôt sous les rythmes furieux et colorés de la salsa, de la rumba, du merengue, de bachata, et autres sons latinos…

Lorsque l’on observe plus attentivement la clientèle, on réalise que c’est un véritable bouquet. Les âges ne se comptent plus tellement ils sont variés. Manifestement, de 18 à 60 ans, les couples s’adonnent sans réserve aucune, à une passion qui se lit sur leurs visages épanouis. On y danse sans modération.


L’insertion des immigrants dans la société québécoise, malgré les récentes polémiques liées à l’«accommodement raisonnable», semble- selon une vision, je l’avoue quelque peu limitée- un processus en bonne voie.

Pour ce qui est des communautés latines, de manière plus spécifique, un pas a été effectué tout fraîchement. Je pense à un programme télévisé qui a été lancé ce 20 mars et qui s’adresse -comme il y en a déjà beaucoup actuellement, en anglais- principalement aux hispanophones. Cela pourrait paraître dérisoire comme démarche, mais force est constater que c’est là une tribune accordée aux hispanophones, une place au sein de leur pays d’adoption : Québec.


samedi 17 mars 2007

Ouste...l'Église!







La perte de vitesse que connaissent les institutions religieuses à Québec, rend compte des antagonismes qui les opposent à la société québécoise actuelle. Et le sort réservé aux édifices religieux s’avère un des témoignages de ces dissensions : entre fermeture, transformation en condo, multifonctionnalité, et autre «façadisme»… la religion à Québec ne se dirige-t-elle pas tout droit vers la casse?

Il est aisé de constater l’effritement des valeurs religieuses à Québec au sein de la jeune génération. Parmi certains universitaires interrogés à ce sujet, une étudiante clamait ainsi sa total indifférence : « J’ m’en calice, ce n’est même plus une question qui se pose…!». C’est donc bien un fait. La nouvelle génération de québécois s’en calicent de la culture religieuse et voilà tout.
Il semble que le traitement réservé à certains lieux de cultes, fasse la preuve de la perte des valeurs liées au sacré. Assiste-t-on à une vague déferlante de laïcisation de la ville qui se porte en faux contre toute l’Église? En vérité comme l’explique l’Abbé Dufour rencontré dans les locaux du ministère du patrimoine, ce qui peut paraître un symptôme de rejet du religieux à Québec, est sous-tendu par d’autres phénomènes, qui permettent de saisir plus en profondeur ce qui est ici enjeux. Certes laïcisation il y a, mais contrairement à la France par exemple, il ne s’agit pas d’une laïcisation de confrontation, sinon de collaboration. La collusion qui a eu lieu durant les années 1940-1950 et qui a aboutie à la « révolution tranquille »-1960- se fit justement sans dégâts. Elle donna lieu à une forme d’entente entre les autorités religieuses et gouvernementales. Pour preuve le transfère des propriétés de l’Église à l’État, n’a pas pour autant révoqué la voix des religieux, qui demeurent des interlocuteurs de premier ordre quant aux problèmes relatifs à ces biens. Ceci résulte du fait que le gouvernement a une dette lourde envers les autorités religieuses qui ont su doter le Québec- à ses balbutiements- tout au moins d’infrastructures tels que : écoles, hôpitaux, caisses populaires. L’Abbé Dufour n’a pas manqué de faire remarquer que nombres des caisses populaires naissaient dans «les sous-sol d’église», faisant référence à la caisse Desjardins entre autre.
En outre comment biffer l’importance capitale du religieux à Québec lorsque l’on observe que moult voies de circulation portent des noms tels que : le boulevard Saint Joseph, chemin Saint Louis, chemin Sainte-Foy … que certains villages sont encore identifiés grâce à leur clochers? Voici la preuve de la persistance du religieux, malgré tout.

Il n’en demeure pas moins, que des églises et des monastères sont fermés. Dans Saint Roch, c'est le cas de l’église Saint Jean-Baptiste. L’église Notre Dame de la Paix, en 1970 a été désacralisée pour la construction d’une autoroute, et depuis transformée en condo. Pensez à l’église Saint Esprit qui abrite désormais l’École du Cirque. Mais ceci est moins lié au ressentiment -effectif- des Québécois envers l’Église qu’à l’urbanisation des centres villes, toujours selon l’Abbé Dufour. Le phénomène renvoie tout en périphérie; le centre désormais rendu trop dynamique, trop bruyant pour que les riverains veuillent y demeurer.

Ne reste plus que la volonté dès lors, de conserver des églises leur valeur symbolique, historico-culturel. C’est un patrimoine à «identifier, protéger, transmettre et gérer»; cependant que se livre au sein du conseil des monuments une vraie «guerre des clochers», entre pro et anti-façadisme -; l’exemple le plus probant étant le cas de ce qui reste de l’église Saint Vincent de Paul.
Enfin, à Québec le religieux se serait-il mu en une forme d’ameublement du paysage? L’identité culturelle en folklore et les églises, en éléments de décor…


Ces transformations que connaissent les édifices religieux ont tout pour me choquer. Provenant d’un pays comptant grosso modo 90% de musulmans, et ayant baignait dans cette culture toute mon enfance, il me semble que le sort réservé aux églises, monastères et autres relevé presque du sacrilège. Il est vrai que jamais une mosquée chez moi ne pourrait être utilisée à d’autres fins que le culte…cependant je concède que nulle révolution comparable à la «tranquille» n’eut lieu chez moi, ce qui me donne à penser qu'en terme de laicisation il nous reste du chemin à parcourir. Nous ne sommes pas encore en mesure de contester l’autorité religieuse de quelque manière que ce soit.

vendredi 9 mars 2007

Une femme de velours aux prises avec une existence de fer


Si les résultats pour l’année 2004 démontrent que les québécois travaillent moins que les autres Canadiens; une femme, une, de ma connaissance balaie d’un revers de la main, à elle seule, ce constat.
J’ai nommé Julie Papillon, 21 ans, étudiante à plein temps, salariée à plein temps…


Ne vous fiez pas, à tord- soyez s’en certains- à son éternel sourire aux lèvres, son air de furieuse toujours crinkée, ses yeux pétillant. S'il est vrai que c’est une passionnée… dessin, photo, musique… sa vie se teinte de couleurs, se remplit d’images, résonne de notes en tout genre… elle s'avère plus fourmi que cigalle.

Difficile de croire que ce bout de bonne femme effectue en moyenne 34 heures de travaille par semaine, tout en poursuivant ses études et s’adonnant à ses diverses passions. De son propre témoignage, elle concède être beaucoup trop dissipée, et quand je lui dis qu’un peu d’organisation lui ferait le plus grand des biens, elle me rétorque que cela la tuerait plutôt- en effet elle se veut une sorte de rebelle aussi; opposée à toute forme de sclérose, d’ennui ne lui dite jamais que vous êtes fatigué, tanné, le danger couru…«vous ne voulez pas le savoir!!»

Le Dag du mercredi au jeudi et Wal-mart du vendredi au lundi, sa cadence est une valse à «N» temps qui jamais ne s’arrête. Ce rythme endiablé Julie l’emboîtait dès ces 14 ans. Petite barmaid, elle confie avoir été payée cinq dollars de la journée pour une tache pour le moins harassante.« C’est le prix à payer pour être indépendante» et pour rien au monde –«ou bien peut-être pour les beaux yeux d’un petit milliardaire, ironise-t-elle»- elle ne changerait son plan de match actuel.

Ses différents lieux de travail sont la scène de milles et une anecdotes et aventures extravagantes. Entre les crouseurs de minuit au Dag et les protestataires patentés- des services après vente- de Wal-mart, les histoires abondent.
Tenez un soir me raconte-elle, au bar, lorsque deux heures sonnent, que les clients affluent, se bousculant pour récupérer leurs manteaux -derrière le comptoir à vestiaire qu'elle tient- avant de crisser leur camp, une bonne dose d’alcool parcourant leur sang, un drôle ayant perdu son ticket se présente à elle et lui somme de lui remettre son bien. Julie tache de le retrouver, après description du dit manteaux, mais exige comme le règlement le stipule- dans ce genre de cas- une pièce d’identité. Chambardement et crise!!! Une meute de personne s’amoncelle pour être aux premières loges et profiter du spectacle. Accablé, notre héroïne tente de s’expliquer et là devant tout cet auditorium, le client décidemment inspiré, feint; un regards sur son coté droit, puis le gauche, derrière lui- nez à nez avec un mur- et enfin avec aplomb fulmine : «c’est…à moi que tu parles…!» comment garder la tête haute, ne surtout pas s’emporter,et réagir à cela… aïe, j’en frissonne…
À Wal-mart pensez vous que ce soit mieux!? Pensez vous que se faire traiter de «grande noire à lunettes» soit plaisant? Et pourtant c’est une arnaqueuse de bonne femme qui pour se plaindre l’affubla de ce nom. Arnaqueuse, car ayant reçu les photos d’un autre client à la place des siennes, au lieu de les réclamer et s’en tenir à ça,cette dernière se fit amplement dédommager, pour l’incident. Mon doux, que d’expérience!
Son sort, définitivement, est celui de plusieurs femmes à qui je souhaite une bonne journée internationale de la femme et bien du courage.

Boterro ou le monde en gros.






Pour ceux qui ne le connaissent pas du tout, né le 19 avril 1932, Botero est un artiste colombien dont la spécificité de l’œuvre tient en une vision macro du monde, des personnes, et enfin des objets. Sa pratique diversifiée s’étend de la peinture à la sculpture. Cependant qu’il traite avec la même amplitude ses personnages, dans un champ comme dans l’autre.

Pour moi, «BOTERO», ça sonnait poupin…tant que prenait forme en ma tête la vision d’un artiste à l’image de son travail: gras, et rose…Je m’étais imaginé une manière de sumo latin triplé d’un peintre et d’un sculpteur - quoique l’idée soit quelque peu farfelue, j’en conviens.
Quelle fut ma surprise lorsque que je découvris sa face!
C’est donc cet artiste hors classe que l’on expose au musée des beaux arts de Québec.

Monumentale et rondelette, une main d’un calibre aussi saisissant que bouleversant- paraissant d’une infinie douceur -, vous introduit d’un geste languide dans l’espace réservé au maître. C’est une invitation vers un monde de volupté, où règne un silence envoûtant. Pénétrez son espace intérieur, presque une alcôve, où sur un drap de bronze se trouve échouée, la maîtresse des lieux, reposant là... Une Vénus replète, superbement nue, espère la visite de ses amants, voire amantes. Elle attire votre attention, voudrait que vous lui fassiez le tour- celui de ses fesses rebondies, de ses seins fermes de «Barbie», façonnés dans un métal hâlé. Elle sait sa féminité, et c’est de l’air dédaigneux des majestés qu’elle vous accueille; un rictus malicieux aux lèvres. Une de ses jambes levées, fait littéralement un pied de nez aux femmes de nylon, qui passant là, lui jetteraient sûrement des regards réprobateurs.


Ces traits sont fins, gages de l’amour du sculpteur pour sa création. Il vous faut observer ses yeux en amande, ses pupilles cuivrées, pour lesquelles l’on se damnerait, son petit nez aquilin, et sa bouche telle qu’une promesse de baisers éternels…
Botero, c’est donc une grâce féminine loin des canons de l’art auquel on est habitué. Cette volonté de rupture avec un certain code représentatif, il la manifeste en pensant d’une nouvelle manière les pères de l’humanité. Adam et Ève sont imaginés et peints avec l’abondance caractéristique des oeuvres du maître. Ainsi, Botero nous fait dire que les enfants- œuvres à venir- qui naîtront de ce couple leur ressembleront. L'artiste détourne le mythe consacré, au profit de sa propre vision de peintre, pour fonder son œuvre ultérieure. Son langage pictural répond à des normes qui lui sont propre, toutefois ses références artistiques paraissent dans son travail.

Inspiré depuis son plus jeune âge, par les grands maîtres classiques- qu’il parodie dans nombre de ses toiles-, Botero va faire siens certains principes de ceux-ci- privilégiant les idées de raison, de retenue et de maîtrise dans la création. Ces principes vont être à l’origine de la texture toute particulière de figures de l’artiste. Ces procédés créent l’illusion de réalisme autant qu’ils offrent au regardeur une vision lénifiée, harmonisée de l’oeuvre, qui a pour effet de reposer son regard. A ce réalisme répond donc une idéalisation du corps. Les rondeurs nues semblent particulièrement musclées; en fait il ne serait pas possible de rencontrer des femmes réelles avec autant d’embonpoint, tout en demeurant aussi vigoureuses.

Un autre volet de l’art de Botero, c’est son statut d’artiste engagé. Le peintre se veut le témoin de sa société. Autant qu’il remet en cause les canons de l’art, il interroge les normes et critères de beauté admis par le monde occident. Contre les femmes-caoutchoucs - refaites des pieds à la tête- et osseuses, produit de l’iconographie publicitaire, il propose ses femmes de chair. En effet l’enfants des quartiers pauvres de Colombie eu à côtoyer ces muses aux formes généreuses –qui rappellent les mélanges africains et indiens. Loin des chimères télévisuelles, le maître vous met sous les yeux la réalité des corps humains. Au cas où vous ne voudriez décidément pas les voir, c’est en taille « XXL» qu’il les peint. Il donne un espace au premier plan- dans le cadre de la toile- à l’ordinaire, le magnifiant du même geste. Il fait retour sur l’humain, la chair, les imperfections, en somme ce qui fonde la vie. Son art transfigure le quotidien, fait du milieu social le terroir de sa production. Il sonde, la misère, la prostitution, la détresse, les catégories sociales, les catastrophes naturelles, les joies, l’amour et ainsi donne un sens artistique à l’existence humaine.

C’est aussi de manière amusée, ludique qu’il observe la société. Il régénère ainsi le fameux « Castigare ridendo mores». En effet, il n’est pas possible de passer à côté de la bouffonnerie de ses personnages obèses, cependant que toute la dynamique sociale emprunte à son œuvre appelle à une réflexion plus dense.
Bienvenue donc dans cet univers métissé, où le grossier côtoie la finesse, le rire la réflexion, la mort la vie, une œuvre et vous…son public.