vendredi 9 mars 2007

Boterro ou le monde en gros.






Pour ceux qui ne le connaissent pas du tout, né le 19 avril 1932, Botero est un artiste colombien dont la spécificité de l’œuvre tient en une vision macro du monde, des personnes, et enfin des objets. Sa pratique diversifiée s’étend de la peinture à la sculpture. Cependant qu’il traite avec la même amplitude ses personnages, dans un champ comme dans l’autre.

Pour moi, «BOTERO», ça sonnait poupin…tant que prenait forme en ma tête la vision d’un artiste à l’image de son travail: gras, et rose…Je m’étais imaginé une manière de sumo latin triplé d’un peintre et d’un sculpteur - quoique l’idée soit quelque peu farfelue, j’en conviens.
Quelle fut ma surprise lorsque que je découvris sa face!
C’est donc cet artiste hors classe que l’on expose au musée des beaux arts de Québec.

Monumentale et rondelette, une main d’un calibre aussi saisissant que bouleversant- paraissant d’une infinie douceur -, vous introduit d’un geste languide dans l’espace réservé au maître. C’est une invitation vers un monde de volupté, où règne un silence envoûtant. Pénétrez son espace intérieur, presque une alcôve, où sur un drap de bronze se trouve échouée, la maîtresse des lieux, reposant là... Une Vénus replète, superbement nue, espère la visite de ses amants, voire amantes. Elle attire votre attention, voudrait que vous lui fassiez le tour- celui de ses fesses rebondies, de ses seins fermes de «Barbie», façonnés dans un métal hâlé. Elle sait sa féminité, et c’est de l’air dédaigneux des majestés qu’elle vous accueille; un rictus malicieux aux lèvres. Une de ses jambes levées, fait littéralement un pied de nez aux femmes de nylon, qui passant là, lui jetteraient sûrement des regards réprobateurs.


Ces traits sont fins, gages de l’amour du sculpteur pour sa création. Il vous faut observer ses yeux en amande, ses pupilles cuivrées, pour lesquelles l’on se damnerait, son petit nez aquilin, et sa bouche telle qu’une promesse de baisers éternels…
Botero, c’est donc une grâce féminine loin des canons de l’art auquel on est habitué. Cette volonté de rupture avec un certain code représentatif, il la manifeste en pensant d’une nouvelle manière les pères de l’humanité. Adam et Ève sont imaginés et peints avec l’abondance caractéristique des oeuvres du maître. Ainsi, Botero nous fait dire que les enfants- œuvres à venir- qui naîtront de ce couple leur ressembleront. L'artiste détourne le mythe consacré, au profit de sa propre vision de peintre, pour fonder son œuvre ultérieure. Son langage pictural répond à des normes qui lui sont propre, toutefois ses références artistiques paraissent dans son travail.

Inspiré depuis son plus jeune âge, par les grands maîtres classiques- qu’il parodie dans nombre de ses toiles-, Botero va faire siens certains principes de ceux-ci- privilégiant les idées de raison, de retenue et de maîtrise dans la création. Ces principes vont être à l’origine de la texture toute particulière de figures de l’artiste. Ces procédés créent l’illusion de réalisme autant qu’ils offrent au regardeur une vision lénifiée, harmonisée de l’oeuvre, qui a pour effet de reposer son regard. A ce réalisme répond donc une idéalisation du corps. Les rondeurs nues semblent particulièrement musclées; en fait il ne serait pas possible de rencontrer des femmes réelles avec autant d’embonpoint, tout en demeurant aussi vigoureuses.

Un autre volet de l’art de Botero, c’est son statut d’artiste engagé. Le peintre se veut le témoin de sa société. Autant qu’il remet en cause les canons de l’art, il interroge les normes et critères de beauté admis par le monde occident. Contre les femmes-caoutchoucs - refaites des pieds à la tête- et osseuses, produit de l’iconographie publicitaire, il propose ses femmes de chair. En effet l’enfants des quartiers pauvres de Colombie eu à côtoyer ces muses aux formes généreuses –qui rappellent les mélanges africains et indiens. Loin des chimères télévisuelles, le maître vous met sous les yeux la réalité des corps humains. Au cas où vous ne voudriez décidément pas les voir, c’est en taille « XXL» qu’il les peint. Il donne un espace au premier plan- dans le cadre de la toile- à l’ordinaire, le magnifiant du même geste. Il fait retour sur l’humain, la chair, les imperfections, en somme ce qui fonde la vie. Son art transfigure le quotidien, fait du milieu social le terroir de sa production. Il sonde, la misère, la prostitution, la détresse, les catégories sociales, les catastrophes naturelles, les joies, l’amour et ainsi donne un sens artistique à l’existence humaine.

C’est aussi de manière amusée, ludique qu’il observe la société. Il régénère ainsi le fameux « Castigare ridendo mores». En effet, il n’est pas possible de passer à côté de la bouffonnerie de ses personnages obèses, cependant que toute la dynamique sociale emprunte à son œuvre appelle à une réflexion plus dense.
Bienvenue donc dans cet univers métissé, où le grossier côtoie la finesse, le rire la réflexion, la mort la vie, une œuvre et vous…son public.

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