dimanche 18 février 2007

Mon p'tit coin de pays...

Maintenant, des océans me séparent des Comores, petit bout du monde entre Madagascar et l’Afrique. Les Comores, c’est quatre îles dont Anjouan, où je naquis. Loin d’être un quelconque souvenir dans un placard de mon esprit, comme des oiseaux bariolés de mon île dans une cage dorée, mon archipel, et tout ce qu’il incarne, se sont mués en un mode de vie. Je respire, je vois, je touche, j’entends, je ressens et j’agit en comorien. Pas que ce n'eut pas été le cas auparavant, mais c’est avec une acuité nouvelle, amplifiée, que je me sens comorien aujourd'hui, à cet instant.

En moi, se mêlent les cultures multiples à l’origine de ces territoires à l’histoire haute en couleur, habités de batous, de portugais et d'arabes. À tout point de vue, les Comores constituent un carrefour; entre l’Afrique, l’occident et même une partie de l’orient. Ces rencontres multiples ne se firent pas sans heurt, néanmoins, il en ressort une richesse culturelle sans borne, autre que l’état déplorable dans lequel se trouve actuellement, ces sortes -paradoxalement- de paradis sur terre.

D'ici, je me rappelle la rivalité entre le bleu radiant de nos cieux, le vert vertigineux de nos mers, et la terre -mon dieu- noire, d’où les enfants du pays puisent leur teint caramel. Je me rappelle les brousses où germent le manioc, l’igname et les patates douces dont sont faits les mets épicés passés de mères en mères pour le plaisir des hommes. Je me rappelle les désaltérantes boissons au coco, bus d’une seule gorgée lorsqu’à midi le soleil (qui veille à ce que l’on ne palisse pas) brille de milles feux.

Parviennent à mes oreilles les rythmes endiablés des tam-tams et percussions de fortunes, accompagnant nos fêtes multiples...l'entendez-vous?

Entouré de mer, nous nous servons de pirogues dans lesquelles mon père et moi embarquions pour des jours de pêche. Les îlots à proximité, souvent, lorsque distraits par la pêche, la nuit aux étoiles éclatantes nous avait gagnée, nous offraient l’hospitalité, juste pour la nuit... et le son continu des vagues caressant nos pieds nus, bercé nos oreilles d’un son mélodieux. Ainsi le lendemain, la dorade majestueuse, le thon, la bonite et -les jours de chance- de petits requins, mangeaient à nos hameçons. Ces moments, comment en perdre la saveur...?

Une fois sur terre, ce sont les enfants qui accourent pour plonger dans l’eau, tête première, pendant que les mamans choisissent le meilleur poisson pour le mtsolola, le mataba ou le mvoungué pour le souper.

Une fois de retour sur terre, voyez ces quelques pieds nus, ces maisons en terre, en tôles, ces routes usées -seulement réaménagés le temps de la visite d’un politique blanc.

Mais la vie n’est pas toujours rose, aux Comores. Cela fit déclamer à un poète interrogé lors d’une veillée dont je me souviens, ces mots avec aplomb: « Ici, l’on chante, conte, danse et rit pour noyer dans sa dernière bière la misère ».

Et tant la naïveté que la réalité de ces propos habitent l’esprit de tous les Comoriens, en attendant que cela bouge.

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